Ils sont plus de 70% dans le système éducatif béninois. Majoritaires dans l’enseignement secondaire technique puis dans l’enseignement primaire, les jeunes diplômés, récupérés par l’Etat pour renforcer le système éducatif béninois sous le pseudo d’aspirant au métier d’enseignant souffrent en périodes de vacance. Sans salaire pour les mois de juillet, août et septembre, ces aspirants se trouvent face aux exigences du vécu quotidien, où la flambée des prix des produits de première nécessité fait l’actualité. Les vacances s’annoncent et déjà, cette catégorie de travailleurs est en détresse.
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Il sonnait 18h environ dans un quartier précaire de Glo Djigbé, commune d’Abomey-Calavi. Eric V. se retire du groupe de jeune qui jouait au belotte sous l’arbre qui jouxte la maison du chef du quartier. Interpelé par l’un de ses paires sur son retrait silencieux, Eric se déverse : « Mon frère, je suis là à jouer avec vous, mais ce que mes enfants vont manger ce soir, je ne sais pas encore ». Curieux, son interlocuteur lui demande : mais toute l’année scolaire, on ne t’as pas vu par ici. Même les rares week-ends que tu viens, tu ne restes pas longtemps comme avant et donc, nous on pensait que tu avais trouvé un métier qui t’occupait. « Justement », rétorque Eric qui poursuit : « J’ai postulé au texte des aspirants au métier d’enseignant et j’ai été affecté dans un collège à Sô-Ava. Je pars les lundis à 6h30 pour revenir les vendredis vers 15h. J’ai 30 heures de cours par semaine et quand je reviens, je suis épuisé. La correction des copies et la préparation des fiches font que même en week-end, je n’ai pas beaucoup de temps pour moi ». Il prend une grande inspiration et explique à son ami : « Là n’est pas le plus dur. Le plus dur, c’est de travailler sous ce rythme toute l’année scolaire et de passer des périodes de vacance sans salaire ». Il baisse la tête et ce sont des larmes qui coulent de ses yeux. Étonné par ce qu’il venait d’entendre, l’ami de Eric n’a rien pu faire. Avant d’intégrer le corps des aspirants au métier d’enseignant, Eric faisait la vacation dans certains collèges à Akassato et Glo Djigbé puis travaillait dans une Organisation non gouvernementale. Ce qui lui permettait d’arrondir facilement ses mois et de s’en sortir également pendant les vacances. Mais, une fois aspirant, il n’avait plus le temps de collaborer à l’ONG comme auparavant et s’est vu remplacer par quelqu’un d’autre.
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9 mois de salaire pour au moins 30 heures de cours
En effet, ils sont des milliers de jeunes béninois à vivre comme Eric. Se débrouillant avec les heures de vacations qu’ils cumulent parfois avec d’autres activités secondaires, les aspirants au métier d’enseignant sont face à une situation qui interpelle les décideurs au plus haut sommet de l’Etat. Pour la rentrée 2020-2021, ces aspirants qui avaient une masse horaire de de 18 à 22 heures sont passés à 30 heures par semaine. Ce qui en revanche n’a rien changé de leur rémunération mensuelle ou dans le contrat qu’ils ont signé.
« Nous faisons le même travail que ces enseignants APE qui ont douze mois de salaire, prime de rentrée et bien d’autres avantages. Mais nous, on ne nous paie que neuf mois sur douze. C’est méchant », s’insurge Gérard K. aspirant, niveau licence. Il constate que les enseignants certifiés n’ont que 18 heures par semaine contre 30 heures pour les aspirants. Une injustice qu’il qualifie de flagrante de la part du gouvernement.
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« Ils n’ont pas à se focaliser sur les 30h ou sur les 9mois sur 12 », rétorque Urbain Amègbédji, le directeur général de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), mandatée pour la gestion des aspirants. Selon ses explications, les aspirants au métier d’enseignant ne sont pas encore des enseignants. « Ils sont comme des stagiaires qui travaillent pour devenir des enseignants. Par conséquent, ils sont payés pour le travail fait. Ils sont sous le principe du service fait et ne doivent pas encore se considérer comme des enseignants », a précisé le DG ANPE.
Cependant, la question des 30h est une solution à un problème qui s’est posé dès que le gouvernement s’est engagé dans ce projet d’aspirants : « Vous savez, il y a des matières pour lesquelles le gouvernement n’a pas assez de ressources humaines. Dans des collèges, des classes ont failli passer toute une année scolaire sans professeur de mathématique par exemple. Donc, c’est pour combler ce déficit que le gouvernement a jugé utile de faire en sorte qu’un aspirant au métier d’enseignant prenne des heures dans plusieurs établissements jusqu’à hauteur de 30 heures. Il n’y a encore rien de grave là », estime Urbain Amègbédji. Cette question de 30 heures a été revue légèrement dès la rentrée 2021-2022 qui est en cours ainsi que la question de bivalence où un aspirant à la quête des trente heures de cours peut enseigner plusieurs matières. Aussi, plusieurs aspirants au métier d’enseignant ont reconnu les efforts du gouvernement pour ce qui est de la prise en charge sanitaire des aspirants. Toutefois, passer les trois mois de vacance sans salaires est un casse-tête pour eux.
« Soyons sincères. Le propriétaire chez qui nous avons loué ne va pas comprendre qu’on est payé neuf (09) mois sur douze. Il doit avoir son loyer à la fin du mois sinon vous avez de problème » dira Gérard qui poursuit : « Aussi, avec le nombre d’heures que nous faisons, nous n’avons plus de marge de manœuvre pour nous investir dans d’autres activités. Ce qui fait que pendant les vacances comme ça, on a du mal à nous en sortir », explique l’aspirant.
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« Le mieux est d’aller pas à pas pour voir clair dans l’avenir »
« Pas question de s’empresser », déclare le DG ANPE, Urbain Amègbédji : « Vous imaginez, après leur recrutement, le gouvernement leur a payé un montant donné selon le diplôme. La seconde année, le même gouvernement dit, déclarons-les à la CNSS, car beaucoup d’entre eux ont déjà fait plus de dix ans de vacation et pourront être frappés par leur âge à un moment donné de leur carrière. Alors, les 3,6% qui devraient être prélevés de leur salaire pour les cotisations à la CNSS ont été ajoutés à leur salaire. Ce qui veut dire qu’ils ont une augmentation. Donc, si chaque année, le gouvernement fait un pas dans le système cela voudra dire qu’il faudra patienter et espérer », a ajouté le responsable de l’Agence qui s’occupe de la gestion des aspirants.
Patienter, oui, mais jusqu’à quand ? S’interrogent la plupart des aspirants rencontrés. Car, qu’ils soient considérés comme des stagiaires ou pas, ils font le même travail que les enseignants permanents. « Nous avons aussi contribué aux résultats des examens de fin d’année. Nous faisons pratiquement le même travail et pourtant…,» s’exclame dame Christine, enseignante aspirante résidant à Godomey et en service à Kpomassè qui lance un appel au Chef de l’Etat : « Je voudrais demander au président Patrice Talon de faire quelque chose pour les aspirants. Sinon, nous passons des périodes de vacance très difficiles. Car, ajoute-t-elle, « quelles que soient vos économies, vous ne pouvez pas nourrir votre petite famille, payer le loyer, supporter les soins médicaux en cas de maladie avec neuf (09) mois de salaire pendant toute une année. C’est impossible » s’indigne dame Christine. Pour Eric V., « le Chef de l’Etat a prêté serment et a placé son second mandat sur le volet social et c’est le moment de nous le prouver. Le cas des aspirants est un cas social qui l’interpelle. Nous sommes fatigués et à bout de souffle pendant les vacances », dira Eric V.
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Un volet social qui est déjà en marche selon le Directeur général de l’ANPE. « Ceux qui pensent que le système des aspirants au métier d’enseignant n’est pas du social se trompent. Dans quel pays on déclare à la CNSS une personne qu’on n’a pas totalement engagée. C’est pour dire que le gouvernement est dans une perspective de pérennité de l’emploi », a ajouté Urbain Amègbédji qui pose le problème de formation à ses enseignants aspirants. « Il est vrai qu’ils sont là aujourd’hui et le gouvernement compte beaucoup sur eux. Le déficit se comble petit à petit, mais la question de la formation est là. Il faut les former et renforcer leur capacité pour la qualité de l’enseignement », a-t-il conclu. Il est important de rappeler que le gouvernement du président Patrice Talon a mis en place le système des aspirants au métier d’enseignant afin de mettre un terme à la vacation dans l’enseignement. Le fichier est au niveau des ministères concernés, les affectations se font dans ces ministères au besoin, mais la gestion pratique de ces enseignants est confiée à l’agence nationale pour l’emploi qui fait de son mieux afin de satisfaire au mieux, les doléances de ces enseignants aspirants.