Au Bénin, comme un peu partout dans le monde, la fête de la nativité est considérée comme la fête des enfants. Ces derniers, en communauté chrétienne ou en famille, s’apprêtent à célébrer cette fête le 25 décembre de chaque année. Cependant, cette période joyeuse pose des défis pour les enfants de la rue à Dantokpa, la capitale économique, qui font face à des conditions difficiles. Interrogés pendant cette période festive, les enfants de la rue font part des réalités difficiles de leur vie. Malheureusement, bien qu’ayant les mêmes droits que tous les adolescents, ces enfants en situation de rue vivent des situations précaires. Souvent, ils passent leur temps dans les décharges publiques, les gares ou sous les ponts. C’est le cas de deux jeunes garçons rencontrés un peu avant le carrefour SOGEMA, circulant, l’un d’entre eux transportant des charges.
Pour le mineur Roméo, la rue est considérée comme sa maison. « C’est l’endroit où je vis même si les gens nous accusent de tout. Ma préoccupation en cette fin d’année est la fête de Noël. Parce que c’est pour nous, les enfants. La joie de Noël me manque beaucoup et quand je vois d’autres enfants vivre cette joie avec leurs parents, cela m’attriste puis je pleure en moi. J’espère avec mes amis de la rue fêter ensemble pour l’année 2023. Pour ce faire, je transporte les petits colis des femmes qui viennent dans le marché faire des emplettes afin de trouver de l’argent. Cependant, si tu as de l’argent et tu te couches la nuit, les plus âgés et les alcooliques prennent tout sur nous. Mais il y a deux semaines, je me suis évanoui sous le colis d’une dame parce que je n’avais rien mangé depuis le matin » a-t-il affirmé. Perçus comme des marginaux, chaque enfant entretient une relation personnelle avec la rue. « Pas de tuteur ni soutien, je suis dans la rue et je dors dans des lieux insalubres pour ma survie. En rupture familiale, je pense bien me débrouiller encore plus pour pouvoir fêter le Noël. Parce que je balaye la devanture de quelques boutiques dans le marché Dantokpa pour certaines dames qui me donnent 50 fcfa ou 100 fcfa. Je quémande aussi et ces temps-ci, je suis en train de vendre de l’eau « pur water » pour une dame qui m’a fait une promesse en nature concernant le Noël », a laissé entendre le jeune garçon Derrick avec un air désespéré.
Quels risques encourent les enfants de la rue pendant la période des fêtes de fin d’année ?
Ces enfants évoluant dans les rues s’exposent à des menaces qui compromettent leur survie, surtout pendant la période des fêtes. Sur le plan social, le socio-anthropologue Médard Kanlissou indique que les enfants de la rue sont souvent la cible d’agresseurs et de trafiquants d’enfants. Selon lui, ces enfants sont visés par des individus qui savent déjà que leur proie est sans protection ni recours à la justice. « Dans leur environnement généralement qualifié de dangereux, les enfants de la rue sont soumis à toutes sortes d’exploitation et subissent la loi du plus fort. Ils sont ainsi vulnérables et dans une précarité inédite. Sans famille pour répondre à leurs besoins comme celui de la fête, ces enfants n’hésitent pas à se livrer au vol. Conséquence, ils sont sauvagement battus quand ils sont surpris en pleine opération la main dans le sac. Aussi sont-ils victimes d’enlèvement pendant qu’ils traînent dans les rues. Mieux, des individus inconnus, mal intentionnés, enlèvent ces mineurs pour des pratiques rituelles qui consistent à sacrifier des personnes, souvent des enfants, dans le but de prospérer dans les affaires, prolonger la durée de vie, renforcer le pouvoir d’une divinité ou s’enrichir. Et c’est le pire des dangers qui planent sur ces enfants. À cela s’ajoutent les violences sexuelles faites aux filles », a-t-il expliqué à DBMEDIAS. Dans les rues, il arrive que ces enfants vulnérables subissent en plus la colère des forces de l’ordre. En effet, ils sont considérés comme des marginaux de la société, des voyous, ainsi que des dangers en devenir. Il importe de souligner que le phénomène prend une ampleur préoccupante qui malheureusement passe sous silence.
Dumas G. ATAKOUI