égalité Des Sexes

Courte phrase, partage d’histoires, d’expériences vécus, des photos expressives, des webinaires, des visuels, du contenu sur les blogs……. Au Bénin, plusieurs organisations, des associations et autres regroupements, les féministes utilisent de plus en plus le numérique pour dénoncer les inégalités entre les sexes afin de favoriser l’atteinte de l’ODD5.

Venus Dossou

« Hum ! Je ne suis pas folle. Et si les autres victimes de mon pays pourraient avoir ce même courage de balancer leur bourreau, le bonheur de nos enfants, de nos filles sera grand ». Il est environ 10h ce 10 septembre 2022.  Angela Kpeidja, journaliste et activiste, la cinquantaine environ, dénonce activement le harcèlement sexuel en milieu de travail. Elle en a fait un cheval de bataille depuis courant 2019.  Elle utilise les réseaux sociaux, notamment sa page Facebook, comme l’un de ses principaux terrains et moyens d’action. Une habitude de plus en plus fréquente au sein des activistes, surtout des féministes. Pourtant, avant cette ère de recours massif aux réseaux sociaux pour les luttes féministes, Les organisations et activistes pour l’autonomisation de la femme et l’égalité des sexes menaient leurs actions à travers des interventions directes au sein des communautés.

Brian SOSSOU, féministe

« Nous existons depuis 2018, mais nos activités étaient purement en communauté, sans recours aux réseaux sociaux puisque la cible, les filles en milieu scolaire, n’a pas accès à internet », partage Brian Sossou, 25 ans, féministe très engagée sur les réseaux sociaux et le terrain. Dans son étude sur l’écosystème des fake news au Bénin, Léonce Gamai, journaliste et expert média rapporte que dans certains contextes sociologiques béninois, les femmes avaient très peu le droit d’exposer leurs opinions en public sur les sujets de grande importance. Cependant, « l’internet et les réseaux sociaux sont en train de contribuer à bousculer cette réalité. Le changement progressif de la donne se constate, entre autres, par l’émergence d’une nouvelle génération d’activistes de l’autonomisation et des droits de la femme. En plus de mener des actions de terrain comme leurs ainées et devancières, elles investissent l’espace web et exploitent le pouvoir de communication et d’influence des réseaux sociaux pour espérer faire bouger les lignes sur plusieurs questions relatives à la situation de la femme dans la société béninoise », relève-t-il dans l’étude publiée en 2021 sous le titre « L’écosystème des fausses informations au Bénin : Une vue d’ensemble ». Les questions soulevées sont, entre autres, le féminisme, l’égalité des sexes, harcèlement sexuel, violences faites aux femmes, éducation des filles, énumère l’expert.

 

Certains espaces ouverts, d’autres fermés

 

« Je vulgarise les droits des femmes et je donne à ma communauté quelques outils pour déconstruire le sexisme et la misogynie », fait savoir Mafoya Glele Kakai, juriste de formation, créatrice et rédactrice en chef du blog féministe Agoodojié. C’est un blog qui aborde des thématiques relatives aux femmes noires et à leurs droits. Elle est aussi la Coordonnatrice/Benin du programme Girltalk créé par l’organisation international Choose Yourself qui a pour but d’humaniser les expériences des femmes noires afin d’atteindre leur épanouissement. Elle mène ses actions sur les réseaux sociaux en produisant du contenu pour sensibiliser. Sur sa page Facebook, des visuels, des photos et des messages texte. « Je mène principalement mes actions à travers mon blog, ou avec mon équipe, nous produisons des articles sur des thèmes concernant les femmes. Nous parlons de divers sujets, mais importants comme les VBG et les droits sexuels et reproductifs. Nous postons également des visuels sur les réseaux sociaux afin de faire passer nos messages et animons depuis peu des discussions sur Twitter avec nos communautés sur les thématiques que nous abordons sur le blog », apprend-elle. Si des comptes sociaux, pages et plateformes sont ouverts à tous et accessibles au grand public, d’autres par contre sont des espaces fermés et ne sont pas accessibles à tous. Madjidath Ouro-Djeri, 25ans, activiste, responsable de la communication de la communauté Women In Tech Bénin et chargée des formations de l’Association des Blogueurs du Bénin, évoque brièvement les actions menées au sein de certaines communautés virtuelles réservées aux femmes.  « Je suis dans des forums sur internet qui ne sont accessibles qu’aux filles et aux femmes. De manière ponctuelle ou sur une longue durée, ces creusets dédiés aux filles et aux femmes sont de plus en plus créées pour nous donner l’occasion d’échanger sur nos expériences professionnelles ou non, de mener des réflexions sur des problèmes qui nous affectent, de penser à des solutions, de partager des opportunités, d’initier des actions et de s’informer mutuellement », confie-t-elle. Madjidath cite en exemple Girls Out Loud (GOL), un groupe Facebook de Plan International.

Image du groupe girls Out Loud

« Des groupes de ce genre sont beaucoup sur les réseaux sociaux », ajoute-t-elle. C’est également le Mafoya Glele Kakai, la rédactrice en chef du blog féministe Agoodojié est aussi membre d’un groupe fermé pour femme dont elle préfère taire le nom.  « Nous discutons en général des problèmes que nous rencontrons dans la vie et qui sont liés à notre genre et à notre sexe. Nous parlons aussi de nos traumatismes et des barrières rencontrées », confie-t-elle.

Une autre façon de militer

 Le web est pour Mafoya, de nature timide, une porte de sortie afin de se faire entendre. « Je me suis tournée vers Internet parce que je suis une personne assez timide dans la vraie vie. Internet m’a permis d’exprimer mes pensées et mon féminisme sans avoir, au début en tout cas d’incidences sur ma vie », Explique-t-elle.

Urbain Ahouangbasso, féministe, autrefois sur le terrain

Urbain Ahouangbasso, jeune homme féministe, perçois les plateformes socio-numériques comme l’un des moyens les plus innovants pour militer pour les droits des femmes et des filles.  « Le numérique a révolutionné notre façon de travailler et d’impacter. Aujourd’hui, nous n’avons plus besoin d’aller en communauté. Depuis notre siège social et avec peu de moyens, nous arrivons à mobiliser une forte communauté autour de nos activités. Nous avons accéléré en moins de 2ans notre stratégie d’impact », se réjouit-il. Il ajoute que ces plateformes et réseaux les aident à « faire du plaidoyer » et à « organiser des campagnes de sensibilisation ». Ils constituent alors « un moyen sûr d’être avec les jeunes au Benin. Une nouvelle façon de rester en contact avec notre cible, de proposer des initiatives en lien avec leurs réalités ».

Emmanuel Gansè

Emmanuel Gansè, membre de l’Association des Bloggeurs du Bénin, joint via les réseaux sociaux, énumère les multiples actions que les activistes, les féministes peuvent mener en utilisant le numérique et les réseaux sociaux : pétition pour protester contre une décision, mobilisation de fonds pour un projet, revendication, lettre ouverte aux dirigeants et éducation citoyenne. L’internet, renchérit l’activiste Mafoya Glele Kakai, est un nid « d’opportunités » pour les femmes. En matière d’autonomisation des femmes, précise-t-elle, internet offre plusieurs moyens de formation et certifications gratuites, la possibilité d’offrir des services en ligne et d’avoir ainsi un business virtuel ou encore des travaux en ligne comme la rédaction web. Emmanuel Ganse quant à lui ajoute qu’« on peut utiliser internet pour agir en faveur de l’égalité des sexes en apprenant aux filles à saisir des opportunités dans le numérique. » « C’est par internet surtout que j’ai pu développer la majorité de mes compétences, notamment celles en communication digitale que je mets au service des associations pour répondre aux problèmes communautaires », témoigne Madjidath Ouro-Djeri.

 

Harcèlement, intimidation, insécurité

 

L’utilisation d’internet pour militer pour les droits des filles et des femmes n’est pas sans difficulté. L’un de ces problèmes est l’insécurité, affirme Ouro-Djeri. « Internet, avec son côté innovant, a permis également aux personnes mal intentionnées et aux personnes qui ne comprennent pas le sens de la lutte de se déguiser parfois et de harceler beaucoup plus les acteurs de la lutte et les victimes de ces inégalités du genre », souligne-t-elle. Harcèlements, intimidation, menaces et insultes. « Quand on veut dénigrer les femmes sur les réseaux sociaux, c’est d’abords aux féministes qu’on s’attaque », soutient pour sa part Emmanuel Ganse.  L’autre difficulté, ajoute le jeune homme féministe, Urbain Ahouangbasso, concerne la qualité et le coût de la connexion internet.  « Le coût de la connexion internet fragilise l’accessibilité de notre cible et de nous même au numérique », relève-t-il.

Pas de lutte sans internet d’ici 5ans

Image illustrative du numérique

Malgré les difficultés, « le numérique sera au cœur de la lutte car c’est un puissant atout de mobilisation de masse », assure Urbain Ahouangbasso. Plusieurs personnes voix militantes estiment que d’ici cinq ans, le militantisme ne pourra pas se faire sans le numérique.  Mafoya Glele Kakai soutient qu’internet étant un lieu virtuel ou se retrouvent tous types de personnes, s’avère « un outil incontournable pour la sensibilisation autour des contraintes qui freinent l’égalité entre les sexes. »  Madjidath Ouro-Djeri relève l’effet multiplicateur qu’internet permettra d’avoir dans les cinq prochaines années.  « Un peu plus qu’aujourd’hui, d’autres comprendront les enjeux et se joindront à la lutte qui est la nôtre car les inégalités ne concernent pas que les filles et les femmes. Les outils numériques et internet seront beaucoup plus accessible et faciliteront la lutte et l’épanouissement de tous. Les entreprises des réseaux et médias sociaux développeront des moyens de rendre leurs plateformes plus sécurisées et les gouvernements un peu comme le Bénin mettront en place des codes du numériques », projette l’activiste, responsable de la communication de la communauté Women In Tech Bénin et chargée des formations de l’Association des Blogueurs du Bénin. Toutefois, elle invite à ne pas se lancer dans le tout internet. « Il existe encore des communautés qui ont de sérieux problèmes et n’ont malheureusement pas accès à internet. Ainsi certaines actions physiques restent les principaux moyens pour nous de les aider à apporter des solutions », nuance-t-elle.


Venus Dossou

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